"Lundi 05 Juin 2006, qui coïncide avec la célébration de la journée mondiale de l'environnement, je suis allé en reconnaissance sur le site de la plage de "terre rouge" et c'est avec beaucoup d'émotion que j'ai découvert
ce bassin qui m'a vraiment émerveillé par sa configuration géométrique exceptionnelle et dont je vous fait un bref descriptif.
10 Juin 2006, Paul ISEL nous écrit : "Je commence à me remettre de mon émotion.—40 ans après revoir son bassin-Les commentaires concernent la photo de murex de l'album—
Voici une photo des principaux coquillages utilisés dans la fabrication de la pourpre (j'avais une collection de plusieurs centaines de pièces du monde entier). N°1 Murex brandaris, n°2 Murex trunculus, n°3 Purpura haemastoma, mais les Phéniciens utilisaient aussi des espèces plus petites.
Le n°1 donnait une couleur tirant sur le rouge et le n°2 sur le bleu. Je ne pense pas que le n°1 soit fréquent sur la côte djidjellienne, mais je me souviens bien des n° 2 et 3.
Je crois que les fragments que j'avais recueillis sous le fast-food étaient du n°2 (je les ai laissés au Brésil et en Guadeloupe, j'espère qu'ils sont dans un musée!). " 15/08/2006 : Nous sommes très fiers du succès de notre travail... Même si nous avons essuyé quelques grincements de dents... En effet, Paul ISEL a reçu un message de Dominique CARDON elle-même "passionnant!
je remarque juste une chose: tout le monde sur ce site protège ses droits d'auteur par des noms de photographe, des mentions de copyright, etc.... après s'être approprié mes photos de murex sans aucune mention de source ni demande d'autorisation, que je donne toujours volontiers et gratuitement, au demeurant."
Mme Cardon a tout à fait raison. Mais en fait les photos ont été prises sur le site noté en référence, et qui indiquait simplement en fin d'article :
En attendant, toujours plein d'eau, il nous servait de « bain de pieds » ou de « glacière » pour les bouteilles du pique-nique...
Pour moi, ce devait être un ancien vivier ; mais des poissons ou des crabes s'en seraient facilement échappé... peut-être avait-il été utilisé pour des oursins ou des coquillages? C'est alors qu'un jour, allant dans les broussailles
pour enfiler mon maillot de bain, je remarquai un talus constitué presque uniquement de fragments de coquillages (des Murex) et de morceaux de tuiles... Tilt !!! J'avais en effet lu quelque part que les Phéniciens étaient experts en
fabrication de la Pourpre impériale, précieuse teinture de l'Antiquité, obtenue à partir de Murex et de Purpura. (Dans le tome1 de «Au coeur des Babors», Suzette nous dit d'ailleurs que de grandes quantités de ces coquilles ont été
trouvées dans la nécropole de la Pointe Noire.). Mon bassin devait donc être un vivier à coquillages, à l'eau constamment renouvelée par les vagues ! la teinture, elle, pouvait être fabriquée dans le voisinage...
le murex Phyllonotus brandaris.
La coquille étant cassée au niveau de la glande
hypobranchiale du mollusque,
l'exposition de son contenu à la lumière déclenche
le développement du pigment pourpre, principalement composé,
chez cette espèce,
de dibromo-indigotine. Relevé sur CNRS Info : http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n391coul/html/n391coula11.htm
Ensuite, interlude de 45 ans : autre chose à faire qu'à penser au «bain de pieds», efforts pour effacer Djidjelli de ma mémoire...
Il y a deux ou trois ans cependant, les souvenirs revenant, toujours plus présents et plus pressants, j'ai recommencé à m'intéresser à la question, à me documenter, à interroger des spécialistes.
Mon ami Gilbert Attard, de Philippeville, m'a envoyé une documentation très intéressante sur la fabrication de la pourpre par les Phéniciens, mais qu'il serait trop long de détailler ici.
Qu'il en soit cependant remercié. Mes remerciements également à Jean Gueydan qui , dans le n°111 de «l'Algérianiste», m' a répondu avec précision :
«La fabrication de la pourpre suppose plusieurs opérations: ramasser les murex avant le printemps, époque de la ponte ; les transporter dans des paniers jusqu'à
«l'usine» la plus proche ; extraire l'animal en cassant sa coquille sur le côté ; le jeter dans un bac rempli d'eau de mer; l'y laisser pourrir plusieurs semaines et enfin porter à ébullition
le liquide nauséabond obtenu jusqu'à sa réduction au 1/15e de son volume initial. Des usines de pourpre existaient en Cyrénaïque, en Tripolitaine, en Tunisie, au Maroc, ainsi qu'en Algérie,
à Collo, à Port-aux-Poules près d'Arzew et aux Andalouses. Vous en avez découvert un quatrième à Djidjelli. Le niveau de la mer s'est élevé (ou celui de la terre s'est baissé) depuis 3000 ans
de sorte que la rigole que vous avez remarquée était un trop plein (nécessaire au fur et à mesure du remplissage du bassin par des murex) mais ne permettait pas le renouvellement de l'eau de mer
qui aurait empêché la bonne fin de la putréfication.»
Le tremblement de terre , & ras de marée de 1856 peuvent aussi peut-être être à l'origine de ce changement de niveau. SG
Voilà! Mais je serais vraiment étonné s'il s'avérait que j'aie été le seul à m'intéresser à ce site!...
Qu'est-il devenu? Des découvertes y ont-elles été faites? Existe-t-il toujours? Peut-être une marina ou un hôtel recouvrent-ils le tout ? Est-ce que quelqu'un sur place pourrait le photographier?
Paul Isel. Mai 2006
28 Mai 2006 : Hocine TEBBOUCHE envoie ce formidable reportage photo à Paul.. Fratenerté oblige, chacun à des périodes différentes, y a appris à nager..! Malheureusement pour le moment, pas de trace de l'usine de pourpre.
A environ trois kilomètres côté Est du centre ville de Jijel se dresse une énorme chaîne de rochers connus sous le nom de « ESSENASSEL » séparant la plage Kotama ex Casino, de celle dite « MECHEKTA » ex « Plage de la Terre Rouge », ou «Plage de Duquesne».
et à une vingtaine de mètres approximativement du rivage sur un des rochers composant cette chaîne se trouve un petit bassin , insoupçonné jusqu'à présent, creusé dans un rocher en forme géométrique de prisme à bases parallèles en forme de triangle équilatéral d'un mètre de coté
«au centimètre prés » et une profondeur de cinquante centimètres, ce qui lui donne une capacité volumétrique totale de 0,433 mètres cubes. Ses trois sommets sont orientés « Nord – Est – Sud », celui de l'Est comporte une petite entaille donnant sur une rigole pentue légèrement vers la mer
par laquelle s'effectue le renouvellement de l'eau du bassin d'une façon indirecte et graduelle par débit modéré, évitant ainsi les perturbations des hautes vagues venant du Nord. Cette rigole aurait aussi servi de trop plein (nécessaire au fur et à mesure du remplissage du bassin par des murex)
comme disait Jean Gueydan.
Invisible à partir de la rive, le site choisi pour la réalisation du bassin n'est pas fortuit non plus ; il est protégé des vagues de la marée haute et des courants marins dominants d'une façon très remarquable. Ses arêtes aux dimensions régulières ainsi que son fond,
sont méticuleusement taillées avec une précision inouïe. Autant de détails qui font que l'hypothèse d'un simple puits naturel soit totalement écartée à mon sens."
A ce stade, laissons la parole aux photos :
Cependant, Paul, j'adhére totalement à votre idée —ce bassin aurait servi sans aucun doute aux Phéniciens de vivier à Murex pour produire de la Pourpre Impériale—, sachant que ce nom de Phéniciens leur a été donné par les Grecs qui faisaient allusion
ainsi à leur faculté à produire de la pourpre, qui se dit phoinix en grec. Ce coquillage que l'on appelle à Jijel « BOUFOUH » à cause de l'odeur nauséabonde qui se dégage du mollusque une fois ôté de sa coquille, et qu'on utilise à défaut d'appât pour amorcer nos lignes de pêche,
laisse toujours sur nos mains des taches de couleur rouge violacée très difficile à s'en débarrasser. Ce genre de coquillage d'ailleurs, se trouvait jadis en abondance sur tout le littoral Jijelien d'une façon générale.
Ceci dit, et suite à cette extraordinaire découverte, je ne cesse de me poser un certain nombres de questions !... Pourquoi donc cette forme de prisme régulier sur un rocher qui pouvait bien contenir toute autre forme géométrique possible et imaginaire ?
Les viviers phéniciens déjà découverts en Algérie, en Tunisie, au Maroc et sur les autres rives de la méditerranée, ont-ils la même configuration géométrique? Pourquoi ce choix de l'unité de base de mesure de la longueur « mètre » pour les trois cotés égaux des deux bases triangulaires du prisme,
alors qu'à cette époque là, le système métrique n'était pas encore mis en place? L'orientation du bassin est-elle le fruit d'un pur hasard ? Existe-t-il d'autres viviers sur le littoral Jijelien en particulier et Algérien d'une façon générale ?
Et puis, un seul vivier, suffisait-il pour approvisionner en matière première toute une usine de production de pourpre ? Sachant que selon certains spécialistes en la matière, c'est à partir de dix mille Murex qu'on peut extraire un petit Gramme de concentré de Pourpre
(ce qui démontre d'ailleurs l'importance de cette teinture très précieuse dans l'antiquité)...
Les réponses à toutes ces questions et bien d'autres nécessitent inévitablement des investigations plus poussées.
Peut-être d'autres challenges ?" Hocine TEBBOUCHE
Pour en savoir plus :
D. Cardon (dir.). Teintures précieuses de la Méditerranée : pourpre, kermès, pastel, catalogue bilingue français-castillan. éd. Musée des beaux-arts de Carcassonne / Centre de documentació i Museu tèxtil de Terrassa, 1999.
A. Lorquin. Nat, étoffes égyptiennes de l'Antiquité tardive au Musée Georges Labit. Paris-Toulouse, 1999.
J'ajoute donc très volontiers ces références. Il est vrai qu'ayant été moi-même fortement pillée, mes recherches phéniciennes de 1985 se trouvant sur des sites sans aucune référence à mes travaux j'aurais du être plus sensible à ceux d'autres personnes.
Suzette GRANGER, webmaster : adresse sur l'index du site.